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Ils travaillent ensemble, ils voyagent ensemble, ils passent leurs journées, et leurs nuits, dans le même camion-remorque. Histoires de couples qui refusent de faire du 9 à 5.
«On a du fioul dans les veines!»
Il y a quelques mois à peine, Julie Deneau, 51 ans, a quitté son emploi de commis-comptable dans une compagnie d’assurances, à Repentigny, pour aller conduire un poids lourd avec son mari, camionneur de métier.
«Ça faisait 20 ans qu’elle me voyait partir dans mon camion, tandis qu’elle restait à la maison à attendre mon retour, raconte Serge Piotte, 53 ans. Elle voulait commencer une nouvelle vie.»
Tout s’est décidé très vite: un beau matin, l’employée de bureau qui avait besoin de prendre l’air a suivi un cours de base pour obtenir son permis classe 1. «Elle est encore en apprentissage, mais je peux vous dire qu’elle se tire très bien d’affaire, souligne son conjoint. Tout dernièrement, elle a évité un gros carambolage alors que je dormais dans la couchette.»
«On a la chance d’être un vieux couple. On se connaît depuis 33 ans! On comprend plus facilement que notre conjoint soit moins en forme, avant le départ. Il faut aimer rouler pendant de longues heures sans s’arrêter, mais je ne retournerais pas faire du 9 à 5, assise derrière un bureau!», avoue Julie Deneau.
Serge Piotte confie que leur vie «de préretraités» a pris un virage à 180 degrés depuis qu’ils «cheminent» ensemble. «On vit les mêmes expériences, indique-t-il. On comprend mieux ce que l’autre peut vivre derrière un volant.»
10 000 km en 7 jours
Le couple employé par le transporteur DFS gagne sa vie en faisant du transport longue distance. «On roule beaucoup, on peut même dire qu’on a du fioul dans les veines!», lance le camionneur d’expérience avec humour. La route les mène aussi loin qu’au Texas, au Colorado, en Californie. «On est partis pendant sept jours: trois jours pour se rendre à destination, une journée pour la livraison et le chargement, et trois autres jours pour rentrer au Québec [à Joliette] avec notre chargement de fruits et légumes.»
«Quand elle conduit, je dors dans le bed de la cabine, je regarde la route défiler, je prends des photos ou je regarde un film. Dans notre métier, on dit à la blague que le passager à la droite du chauffeur est assis sur « le banc des innocents »! On fait chacun nos 12 heures. On se fait confiance mutuellement.»
Et c’est comment, la vie de couple dans une cabine de camion? «Il faut bien s’entendre pour passer sept jours, jour et nuit, dans un aussi petit espace de vie, admet Julie Deneau. C’est exigeant de rouler sans arrêt. On parcourt jusqu’à 10 000 km en une semaine! Par choix, nous prenons des pauses de 30 minutes toutes les 4 heures pour nous dégourdir les jambes.» Précisons que la réglementation en vigueur aux États-Unis exige une période de repos d’une demi-heure aux huit heures.
Bien qu’il lui arrive de trouver la route du retour un peu longue, «en particulier la 401, en Ontario», Serge Piotte reconnaît que son travail est «beaucoup moins difficile» qu’à ses débuts. «Les camions sont mieux équipés, il y a un frigo, on amène notre four à micro-ondes, c’est de la conduite automatique.»
Le couple venait tout juste de rentrer à la maison, après un autre voyage Montréal-Californie, quand La Presse les a joints. Il s’apprêtait à reprendre le volant pour aller à la pêche… à Matane.
Quand on aime la vie sur la route.
Des routes françaises à celles de l’Amérique
Tous deux Français et camionneurs de métier, Céline Carbonier, 28 ans, et son conjoint Kevin Campayo, 34 ans, voulaient «vivre une nouvelle aventure en Amérique». Depuis quelques mois, ils sillonnent les routes du Canada et des États-Unis dans le même camion. La Presse leur a parlé «sur la route» alors qu’ils se trouvaient non loin de Salinas, en Californie.
Comment vous êtes-vous rencontrés?
Céline Carbonier: En France, on travaillait pour nos entreprises respectives. Le déclic s’est fait alors qu’on effectuait une livraison chez un client, près de Paris.
Pourquoi avez-vous quitté la France?
CC: Dans notre pays, on était juste des pions. C’est très difficile la vie de camionneurs, là-bas. Personnellement, je ne me sentais pas respectée en tant que femme.
Est-ce si différent ici?
Kevin Campayo: Je peux vous dire que oui. Il y a davantage d’entraide entre les camionneurs. On s’est tout de suite sentis accueillis, acceptés.
Avez-vous établi une routine de travail?
CC: Je compare la cabine du camion à une boîte à penser. On passe des jours sur la route. Moi, je conduis de 3 h à 15 h, tandis que mon conjoint fait l’inverse. Ça donne tout le temps de réfléchir à un tas de trucs.
Et la vie de couple, dans tout ça?
CC: Ça demande beaucoup de compréhension mutuelle. On peut être porté à donner des conseils à son conjoint sur sa façon de conduire, et ça peut créer des tensions à l’occasion. Fort heureusement, quand on fait de longs voyages, il y en a un qui dort tandis que l’autre conduit. Ce qui fait qu’on ne se voit pas 24 heures sur 24.
«Ça nous arrive d’être de mauvaise humeur, surtout si on est fatigués et qu’on a mal dormi, dans un si petit espace. Or, dans un camion, si on est fâché contre son conjoint, il n’y a pas de portes à claquer comme dans une maison, il n’y a qu’un rideau à tirer!»
Quelles sont vos premières impressions en tant que camionneurs «nord-américains»?
KC: Les distances sont considérables! Tout est surdimensionné. On voit des ours, des orignaux, des canyons. On découvre les États-Unis, Las Vegas…
Comptez-vous vous installer au Québec en permanence?
CC: On vient de s’acheter une maison à Sainte-Émélie-de-l’Énergie!
Un couple, 15 ans et 1,3 million de «milles»
Josiane Lajoie, 39 ans, et son conjoint Sylvain Allard, 40 ans, ne se voient pas faire autre chose que de la route pendant encore de très nombreuses années.
«On a parcouru 1,3 million de milles et ça fait plus de 15 ans qu’on roule ensemble pour la même entreprise, estime Sylvain. C’est un métier qui nous permet de nous sentir libres. On n’aime pas la routine. On n’a pas de boss, on tient le volant du camion, chacun notre tour.»
Ils sont fiers de leur dossier sans taches. «On n’a jamais eu de contravention ni d’accident, à part frapper des chevreuils», se félicite Josiane.
Depuis le début de leur carrière, ils ont «fait» vers la Californie à 450 reprises et roulé sur les routes du Midwest américain, le Wyoming, le Nebraska. Ils peuvent vous dire à quels endroits se trouvent les truck stops les plus confortables, et ceux qui sont moins recommandables.
«Conduire un camion sur une longue distance, c’est un mode de vie, il faut l’avoir fait pour comprendre. On dort dans les truck stops. C’est comme notre deuxième maison», indique Sylvain Allard.
Il n’en demeure pas moins que ce métier peut user, à la longue, concèdent-ils. «Notre corps en prend un coup, dit Sylvain. On se fait brasser dans la couchette tandis que le camion avance sur la route. On n’est pas comme dans notre lit à la maison, mais ça fait partie du métier.»
«Imaginez-vous passer sept jours avec votre conjoint dans un espace clos grand comme une salle de bains!», ajoute Josiane, de façon imagée.
Mais au-delà du confort et de la confiance, il y a… la route, et ses dangers. «On est moins téméraires en vieillissant. On est plus anxieux quand arrive l’hiver», reconnaît Josiane.
Ils ont appris, avec le temps, à s’accorder des moments de répit, du temps «pour eux seuls», lorsqu’ils voyagent pour le travail. «On ne mange pas au restaurant, durant le trajet, mais rendu à destination, on se paye un bon resto. C’est notre récompense.»
Un «métier d’homme» qui s’ouvre aux femmes
Le camionnage demeure un «métier d’homme», mais les entreprises de transport n’hésitent plus à confier le volant des poids lourds aux femmes désireuses de prendre la route.
«Il est vrai qu’on voit de plus en plus de femmes conduire des camions-remorques», constate Marc Cadieux, PDG de l’Association du camionnage du Québec. Il ne cache pas qu’en raison de la pénurie de main-d’oeuvre dans cette industrie, les employeurs multiplient les campagnes de séduction pour assurer la relève, qu’elle soit masculine ou féminine. Aujourd’hui, les salaires sont plus élevés et les camions plus faciles à manoeuvrer.
Au volant d’un camion depuis quelques mois, Julie Deneau indique qu’elle ne se sent «pas comme une intruse dans un monde où les hommes sont en majorité». «Je n’ai pas volé la job d’un gars, je fais juste un travail que j’aime, ajoute-t-elle. Dans mon entreprise [le transporteur DSF], de 20 à 25 % des chauffeurs sont des femmes.»
- Cadieux note toutefois qu’«il pourrait y avoir plus de femmes qui postulent. Il y a encore un faible pourcentage de femmes dans [leur] industrie, mais ça pourrait changer, qui sait?»
«Selon le type de camion et de marchandises à transporter, c’est un travail qui nécessite une certaine force physique. Il faut fixer les toiles et les enlever, serrer les sangles. Ça peut ne pas convenir à toutes les femmes.»
Un fait demeure: les entreprises de camionnage qui emploient des couples sont encore «peu nombreuses» dans cette industrie, selon M. Cadieux. «Il faut comprendre que travailler en tandem, ça peut être exigeant. Il faut que les conjoints soient compatibles pour pouvoir passer des jours entiers dans la même cabine.»
Source: La Presse